Une pensée pour Jean Lacroux
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Selon un proverbe africain, quand un vieil homme meurt, c’est une bibliothèque qui brûle.
Jean Lacroux nous a quittés le 9 novembre 2013, à 92 ans. Il avait connu Mme Flammarion, MM Couder, Danjon, Baldet,
Rudaux, Lyot, l’abbé Moreux dont il disait qu’il "ne manquait pas d’humour", et Pierre Rousseau
qui "tenait un salon-bureau dans un café du Quartier latin" à Paris.
Grâce à eux, il rencontra Pierre Bourge. Il a écrit plus de 100 articles dans "Le Parisien", "La Croix" et
"Ciel & Espace" dont il assurait la rubrique "actualité spatiale et astronomique,
11 ouvrages dont "A l’affût des étoiles" et "Observer le ciel à l’oeil nu et aux jumelles" avec Pierre Bourge,
"Lunettes et télescopes mode d’emploi" avec Denis Berthier "en quelques jours de vacances autour d’une bonne
table bourguignonne bien arrosée", "Discover the Moon" avec Christian Legrand, "Astronomie" avec Ian Ridpath...
Mais Jean Lacroux était plus que cela. Après "Maths Spé", admissible à Polytechnique en 1940, il fut happé par la
guerre et fait prisonnier en Allemagne. Homme extrêmement discret, en huit ans de correspondance, il ne m’avait jamais
mentionné sa Médaille Militaire pour avoir aidé la Résistance, dérisoire et prestigieuse reconnaissance
pour des personnes dont la bravoure est exceptionnelle.
Professeur de mathématiques, il aurait aussi pu enseigner le français, car, modérateur et méticuleux, il était
l’autorité naturelle présidant à notre écriture. Aucun mot n'aura été écrit dans les brouillons des 16e, 17e et 18e
éditions de "A l'affût des étoiles" sans que l'on se demandât s'il allait être à la hauteur des attentes de Jean Lacroux.
Issu du conservatoire, il jouait du violon, de l’alto et du piano, se produisant en quatuor, entre une observation
de la comète de Halley à Madagascar et une éclipse en Sibérie.
Il ne me fit jamais qu'un seul sermon: Musica laetificat cor hominis - cum bonum vinum
(la musique adoucit le coeur de l’Homme - avec le bon vin).
J'ai écrit un hommage à Jean Lacroux dans Astronomie Magazine de janvier 2014.
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Une pensée pour Pierre Bourge
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Pierre Bourge nous a quittés le 21 juin 2013, à 91 ans. Son ingéniosité légendaire était à la hauteur de
son talent pédagogique. Il a construit de nombreux instruments, dont un système de guidage photo-électrique
pour coronographe avec son fils Fabrice (ingénieur Télécom), le "Géorama" (toujours commercialisé par Jeulin),
une monture équatoriale à mouvement d'horlogerie avec différentiel, une caméra à iris automatique
compensant en permanence le gradient lumineux des éclipses de Lune, un coronographe qu'il emmenait
au Pic du Midi, une machine à développer le TP2415H, utilisé les premières ST4 comme autoguideur
sur une chambre de Schmidt artisanale....
Il avait fondé et dirigé plusieurs revues, entre autres "le Ciel Normand" et "Ciel & Espace" dont
il fut directeur jusqu'en 1981, puis "Astro-Ciel". Il a également créé des associations comme la "Société Astronomique
de Normandie" en 1945 puis "l'Association Française d'Astronomie" (AFA), le festival "Euro Astro",
l'observatoire d'Aniane, "l'Espace Pierre Bourge" et "La cité du Cosmos" à Mortagne...
Ses rapports tumultueux avec l'AFA s'expliquent peut-être par son caractère entier
et son refus de toute compromission; toutefois lorsqu'il s'exprimait
en public, son langage limpide, son cheminement intellectuel structuré par la clairvoyance, et son
respect évident pour ses auditeurs en faisait un orateur fascinant dès la première minute.
Il a voyagé 26 fois à l'étranger pour observer des éclipses, filmé les éruptions solaires,
collaboré 35 ans avec Jean Lacroux, et écrit (jusqu'à son dernier jour) 13 livres d'astronomie, météorologie,
écologie et épistémologie, publié de nombreuses cartes célestes, utilisé des caméras de cinéma 16mm et
35mm, des CCD, une VestaPro modifiée longue pose...
Il était aussi un défenseur de l'environnement (à 81 ans, il partait manifester contre l'EPR,
à pied bien sûr).
Médaille d'honneur scientifique Pégase, lauréat de la Société Astronomique de France,
deux fois décoré par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, l'observatoire de la
Côte d'Azur lui a attribué l'astéroïde "13674 Pierre Bourge"... Il aurait plu à Descartes d'apprendre
que ce père de l'astronomie amateur francophone depuis 1946 fut justement horloger de formation.
Nous avons publié un hommage collectif à Pierre Bourge dans Astronomie Magazine de septembre 2013.
Voir le site WEB de Pierre Bourge.
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